Aujourd’hui, tout le monde parle de résilience.
Une entreprise “résiliente” après une crise, une équipe “résiliente” après un échec, un individu “résilient” parce qu’il continue d’avancer malgré tout.
Mais si l’on écoute vraiment ce que Boris Cyrulnik — le neuropsychiatre à l’origine du concept — nous dit, le sens du mot est bien plus exigeant.
“La résilience n’est pas une qualité, c’est un processus.” (Les Deux Visages de la résilience, 2024)
Ce processus suppose trois choses essentielles :
– qu’il y ait eu une rupture, un choc, une effraction du psychisme ;
– qu’il existe un lien, un autre humain qui aide à tenir le fil ;
– et qu’avec le temps, puisse se reconstruire un sens, une manière nouvelle d’habiter sa vie.
Tout le reste — la réussite, la volonté, la ténacité — relève de l’adaptation ou de la résistance.
Et c’est déjà beaucoup !
Mais cela ne suffit pas à parler de résilience.
La vraie résilience naît dans l’après-coup : quand la vie, un instant dévastée, retrouve un mouvement grâce à la présence d’un autre.
La résilience n’est jamais solitaire
On aimerait croire qu’il suffit de “trouver les ressources en soi”.
Mais toutes les études sérieuses le montrent : personne ne se reconstruit seul.
Après un traumatisme, le cerveau humain — profondément social — a besoin d’un environnement stable et soutenant pour se réguler.
Les neurosciences parlent ici de plasticité cérébrale : les connexions neuronales se réorganisent, lentement, sous l’effet du lien, du regard bienveillant, de la sécurité retrouvée (Kalisch et al., 2024 ; Nestler, 2024).
Autrement dit, le lien répare le cerveau.
Le corps se détend, le souffle s’apaise, la peur recule.
Et dans cet espace apaisé, le psychisme peut reprendre son travail : comprendre, digérer, symboliser.
Cyrulnik parle de “tuteurs de résilience” : ces personnes — un proche, un enseignant, un thérapeute, parfois un inconnu — qui, simplement par leur présence juste, permettent à la vie de se remettre à circuler.
En Gestalt-thérapie, c’est exactement ce que nous cultivons : un contact réparateur.
Un lieu où vous pouvez à nouveau vous sentir en lien, sans avoir à “aller bien”.
Parce que la résilience n’est pas un effort de volonté, c’est un mouvement relationnel.
Quand les mots redonnent vie
Une des grandes forces du livre Les Deux Visages de la résilience réside dans l’importance accordée au langage.
Une mère dit à son enfant :
“Je ne t’ai pas compris, mais je veux t’aider à te faire mieux comprendre.”
Cette phrase, à elle seule, contient le cœur de la résilience.
Elle affirme la différence et le lien.
Elle apprend à l’enfant qu’il peut être compris, mais qu’il doit aussi apprendre à se dire.
C’est un apprentissage de l’altérité — et un acte de construction de soi.
Les chercheurs en psychologie du développement (Peter Fonagy, Mary Target) appellent cela la mentalisation : la capacité à donner du sens à ses émotions et à celles des autres.
Et cette capacité ne naît jamais seule : elle s’appuie sur la qualité du lien, sur la relation.
Les neurosciences rejoignent ici la psychanalyse : raconter son histoire active dans le cerveau les zones du langage et de la mémoire émotionnelle.
Mettre en mots apaise le chaos.
Et dans la parole, dans le récit, la vie retrouve une forme.
En Gestalt, la parole n’est jamais un simple récit.
Elle est une expérience vivante.
Chaque mot posé, chaque silence respecté, chaque émotion reconnue participe à reconstruire le lien entre votre monde intérieur et le monde extérieur.
Redonner à la résilience sa juste place — et à vous, la vôtre
Nous vivons à une époque où tout doit aller vite : “rebondir”, “gérer”, “positiver”.
Mais cette injonction à la résilience est souvent une autre manière de dire : “Ne montre pas ta blessure.”
Or, la vraie résilience ne se décrète pas.
Elle se tisse. Lentement.
Dans la relation. Dans la parole. Dans la confiance retrouvée.
Elle ne dit pas “tout va bien”, elle dit “je vis encore, malgré tout”.
Elle ne nie pas la souffrance, elle la traverse.
Elle ne cherche pas à effacer la cicatrice, elle apprend à vivre avec elle.
Et surtout, elle n’est jamais un exploit individuel.
C’est une œuvre collective, une rencontre entre votre fragilité et la présence d’un autre.
C’est cela, le sens profond de la Gestalt : remettre du lien là où il y a eu coupure.
Non pas pour “réparer”, mais pour permettre à la vie de reprendre sa forme, autrement.
🌱 En conclusion
La résilience n’est pas un trophée, ni une injonction.
C’est une histoire de relation.
Une manière d’habiter vos blessures sans vous y enfermer.
Si ce mot résonne pour vous — parce que vous avez vécu un choc, une perte, ou que vous sentez simplement une part de vous qui s’est arrêtée —, alors ne cherchez pas à “être fort”.
Cherchez plutôt un espace où vous pourrez être entendu.
C’est dans cette rencontre que, doucement, la vie recommence à respirer.
Et c’est souvent là, dans cet espace de vérité et de lien, que commence la vraie résilience.
Si vous n’avez pas lu les autres articles :
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🧠 Sources principales :
- Boris Cyrulnik (dir.), Les Deux Visages de la résilience, Odile Jacob, 2024
- Kalisch, R. et al., Neurobiology and Systems Biology of Stress Resilience, Physiological Reviews, 2024
- Fonagy, P. & Target, M., Reflective Functioning and Mentalization, PLOS ONE, 2016
- Nestler, E. J., Neurobiological Basis of Stress Resilience, Neuron, 2024
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