Le désir de perfection : moteur, piège… et chemin relationnel

Une quête ancienne et toujours actuelle

La quête de perfection fascine depuis toujours. Pour Descartes, elle n’est pas un état figé mais un horizon : une direction qui guide nos pas sans jamais être atteinte. Sur le plan psychologique, cette recherche se joue très tôt. Beaucoup d’entre nous ont grandi avec des phrases telles que : « Sois le meilleur », « Fais plaisir à tes parents », « Ne déçois pas ». Ces injonctions forgent une croyance inconsciente : « Pour être aimé·e, je dois être parfait·e ».

C’est ainsi que naît le mécanisme intérieur du perfectionnisme : une stratégie de protection contre le jugement et la peur de l’échec, censée nous sécuriser, mais qui finit par nous enfermer.


Le désir de perfection : élan vital ou piège de l’ego ?

Le désir de perfection est d’abord un élan précieux. Il traduit notre puissance de vie, notre appétit d’apprendre, de progresser et de créer. Comme le souligne le philosophe André Comte-Sponville, le désir n’est pas uniquement un manque à combler, mais une force vivante, une énergie qui nous pousse à jouir et à agir. Vécu de cette manière, il nourrit la créativité, le mouvement, et peut être une source de bonheur.

Mais quand ce désir est capturé par l’ego, il devient exigence absolue : « Je dois être parfait·e », « Tu dois l’être ». Là où le désir ouvre, le perfectionnisme fige. La vitalité se transforme en tension, la créativité en autocritique, et l’élan relationnel en attentes irréalistes. On cesse de savourer le chemin pour courir derrière une image toujours plus lointaine.

Dans la relation amoureuse, ce glissement est particulièrement visible. Le désir nourrit le couple quand il reste vivant et joyeux : il est alors source de complicité et de croissance partagée. Mais dès qu’il se rigidifie en attentes idéales, il devient déceptif. On attend de l’autre qu’il comble tout, qu’il soit parfait, et l’on se condamne à l’insatisfaction. Le bonheur se dérobe parce qu’on cherche une perfection imaginaire plutôt que de rencontrer la personne réelle, avec ses forces et ses failles.


Quand la quête de perfection devient un enfermement

Le perfectionnisme est souvent valorisé, mais derrière son apparente noblesse se cache un mécanisme épuisant. Ce n’est pas une simple volonté de bien faire, mais une illusion de maîtrise. Il promet sécurité et reconnaissance, mais il prive du plaisir simple d’agir, de créer et d’aimer.

Psychologiquement, il installe une tension permanente : rien n’est jamais assez bien. Chaque erreur est vécue comme un échec total, chaque réussite comme insuffisante. L’anxiété monte, l’estime de soi s’effrite, et la peur de mal faire finit parfois par paralyser l’action. Combien de projets restent dans les tiroirs, non par manque d’idées, mais par peur qu’ils ne soient pas parfaits ?

Dans la relation aux autres, le perfectionnisme crée de la distance. On attend de l’autre qu’il soit irréprochable, on projette ses propres standards sur lui. Mais personne n’est jamais « assez bien » à ce jeu-là. Les liens se tendent, se fragilisent, parfois se rompent. À l’inverse, certains perfectionnistes choisissent de se retirer, incapables d’affronter le regard d’autrui. L’isolement renforce alors le sentiment d’échec et la solitude.


Retrouver de la liberté grâce à la Gestalt-thérapie

La Gestalt-thérapie propose un chemin singulier : non pas nier le désir, mais l’accueillir dans sa dimension vivante, au plus près de l’expérience présente. Elle invite à ressentir ce qui se passe ici et maintenant, dans le corps, dans l’émotion, dans la relation.

Dans cette approche, l’imperfection n’est plus un défaut à corriger, mais une porte d’entrée vers plus d’authenticité. Elle devient la possibilité même de la rencontre : je peux être imparfait·e, et malgré cela – ou grâce à cela – me laisser rejoindre. Le désir retrouve alors son rôle de moteur créatif et cesse d’être un diktat de l’ego.

Au lieu de courir après une perfection inaccessible, la Gestalt permet de retrouver le goût d’un bonheur simple : celui d’être soi, en lien avec l’autre, dans une relation vivante et imparfaite, mais profondément humaine.


Quelques conseils pour sortir du perfectionnisme

Si vous vous reconnaissez dans ces mécanismes, voici quelques pistes pour assouplir ce rapport à vous-même et aux autres :

  • Observer vos fonctionnements : repérez les moments où la peur d’échouer ou de ne pas être « assez » vous bloque.
  • Privilégier l’expérience plutôt que le résultat : autorisez-vous à faire « assez bien », à apprendre par essais et erreurs.
  • Accueillir l’imperfection : souvenez-vous que les relations vivantes sont faites de failles et de surprises, pas de performances.
  • Relativiser l’échec : une erreur n’est pas une identité, mais un passage, une étape de croissance.
  • Chercher du soutien : un accompagnement thérapeutique, comme la Gestalt, peut aider à se libérer de ces injonctions et retrouver une relation plus douce à soi-même et aux autres.

Conclusion

Le désir de perfection, bien vécu, est une belle invitation à grandir et à créer. Mais quand il se transforme en perfectionnisme, il fige, enferme et éloigne. Retrouver la liberté consiste à transformer ce désir en mouvement, à accepter l’imperfection comme condition de l’authenticité et du lien.

C’est peut-être cela, au fond, la vraie perfection : la capacité à être soi, vulnérable et imparfait, et à rencontrer l’autre tel qu’il est.

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